Occitanie Films – « Avec les plateformes qui déferlent, l’Aveyron a une carte à jouer »
L’AVEYRON FAIT SON CINÉMA
Dans un secteur du cinéma très centralisé, le territoire aveyronnais, éloigné des forces vives et des ressources humaines, séduit malgré tout des sociétés de production d’envergure, en France mais aussi à l’international. A commencer par Villefranche-de-Rouergue, transformée en champ de bataille cet été dans le cadre d’une série Netflix (voir photos). Notre équipe en a profité pour rencontrer plusieurs acteurs de la réalisation et la production audiovisuelle, qui veulent fédérer les professionnels comme l’association Grands Causses Cinéma, qui militent pour un souffle créatif en pleine campagne à l’instar d’AnderAndera Production, ou qui ont été conquis par l’Aveyron comme Florent Verdet dont la société de production francilienne entre2prises se positionne résolument sur le cinéma d’auteur. Moteur… action !
Financé par l’Etat et la Région, Occitanie Films anime et promeut la filière. Marin Rosenstiehl est responsable de la Commission du Film et de l’accueil des tournages en Occitanie.
Quel est le rôle de la Commission du Film au sein d’Occitanie Films ?
Nous encourageons les sociétés de production à venir tourner dans notre région, nous accompagnons les films dans leur implantation et nous valorisons les lieux de tournage, dans des projets de cinéma, longs métrages, séries, téléfilms et films pour les plateformes. Notre rôle est aussi de valoriser les bassins d’emploi comprenant comédiens et techniciens.
L’Aveyron est-il un territoire attractif pour le cinéma ?
Pour attirer les sociétés de production parisiennes et étrangères, il faut pouvoir offrir un ensemble de services. On se concentre sur les bassins d’emploi autour de Montpellier et Toulouse : il n’y a pas que les lieux de tournage qui importent, il faut aussi l’offre artistique. En Aveyron, c’est compliqué : l’accessibilité est plus difficile, ces métiers sont peu présents, l’hébergement peut être une difficulté – un long-métrage de cinéma requiert une cinquantaine de personnes en général. Mais il y a aussi des atouts : faire un film en Aveyron permet un accueil exceptionnel des collectivités locales et des habitants. C’est un gros confort de travail. L’autre atout concerne l’authenticité des lieux propices à des films inspirants, ou d’époque.
Quels projets y ont été filmés récemment ?
Le viaduc de Millau est très prisé par la publicité. Il y a eu peu de projets récemment mais c’est en train de changer, on sent un regain d’intérêt. L’an dernier, on a tourné Balle Perdue, un long métrage pour Netflix, à Montpellier et sur le causse du Larzac où l’on a bloqué une autoroute. C’était compliqué mais on a réussi grâce à un contournement ! Il y a aussi bien sûr la série Netflix « All the light we cannot see » qui a été tournée en juillet à Villefranche-de-Rouergue.
Comment Netflix a-t-il choisi la bastide villefranchoise ?
C’est dû à une conjonction de facteurs. Nous connaissons depuis longtemps le producteur exécutif John Bernard (Peninsula), l’un des plus gros producteurs français grâce à qui les projets étrangers viennent tourner en France. Il recherchait une petite ville avec une place et une église, époque années 40. On avait proposé une cinquantaine de villes en Occitanie. Villefranche n’avait alors pas été retenue. En parallèle, le chef décorateur de ce film en préparation, est un Anglais qui a une maison dans le Tarn et qui connaissait Villefranche : il fallait remplacer la ville de Saint-Malo, où se passait l’histoire, qui était trop peuplée en plein été et qui avait été bombardée pendant la guerre. Or, il y a une typologie de pierres sur la place de Villefranche qui rappelle les pierres de Bretagne… Fin 2021, la production nous a demandé s’il était possible de tourner à Villefranche. J’ai contacté le maire pour parler de ce projet qui allait demander beaucoup d’efforts à la ville mais aussi générer des retombées économiques : le soutien de la commune a été exceptionnel. Parfois, il y a des blocages avec des communes qui refusent. Ici, on a fait se rencontrer les
deux parties, la mairie s’est mise en quatre pour contribuer au tournage et le choix s’est arrêté sur Villefranche en janvier. A ce stade-là, nous nous effaçons.
Quels futurs projets en Aveyron ? Percevez-vous une évolution dans le secteur ?
Une série va se tourner à Bozouls pendant 10 jours en octobre. Nous accompagnons depuis un an ce projet de série « Monsieur Spade » réalisée par Scott Franck (réputé pour « Le Jeu de la dame »), coécrite avec Tom Fontana, coproduite par Black Bear, Film Nation et Haut et Court TV (Paris) pour la chaîne américaine AMC. Le personnage de Sam Spade sera interprété par Clive Owen : dans les années 60, Sam Spade, détective privé mythique du «Faucon Maltais», vient prendre sa retraite à Bozouls, où il sera rattrapé par des nouvelles enquêtes… Pour des questions artistiques et logistiques, le reste du tournage se déroulera dans le Gard (Sauve) et l’Hérault (Pézenas) où seront reconstitués des décors imaginaires de Bozouls et de ses environs.
L’avantage des grosses productions, c’est qu’elles ont les moyens, c’est parfait pour l’Aveyron ! On sent une évolution pour nos territoires qui ont vraiment leur carte à jouer, grâce à toutes ces plateformes (HBO Max, Disney +….) qui déferlent sur la France et qui recherchent des histoires plus locales, à dimension évidemment universelles.
Propos recueillis par Agnès d’Armagnac
Photo : Cécile Mella / 24 25 films / Apollo Films / Orange Studio / France 3 Cinéma