LE CHAT SE DÉCONFINE AU MUSÉE SOULAGES
«Exposer ici ? Un rêve de môme!»
Animé par une fibre artistique certaine, le Chat est un invité exceptionnel du musée Soulages à Rodez, depuis le 24 octobre 2020. Une exposition qui n’a été visible que cinq jours… Alors que les musées rouvrent leurs portes aux visiteurs en mai, Philippe Geluck nous raconte son aventure aveyronnaise et son amour pour l’artiste Soulages.
Racontez-nous l’origine de cette collaboration avec Pierre Soulages !
Je l’ai rencontré plusieurs fois, il y a quelques années. J’ai l’habitude de faire des tableaux et des dessins en hommage à de grands artistes comme Pollack, Mondrian. Je produis des insolences, des incongruités, cela amuse les artistes… Dans le cadre d’une exposition « L’Art et le Chat » au Musée en Herbe à Paris, j’avais demandé à Pierre Soulages de prêter un immense Outrenoir que l’on a placé près d’un dessin. Cette exposition a connu un succès phénoménal chez les enfants, qui lisent l’abstraction beaucoup plus aisément que les adultes. C’est là que Benoit Decron, le conservateur du musée Soulages, a vu l’un de mes tableaux, qu’il a adoré. A l’occasion d’une exposition au Louvre en hommage à Soulages, il m’a proposé d’exposer le Chat au musée de Rodez.
Comment avez-vous préparé cette exposition ?
J’ai rencontré Pierre Soulages trois fois, j’ai vu son atelier. A la fin d’une rencontre, il m’a dit : On peut se tutoyer, au fond, on fait le même métier ! J’avais réalisé déjà quelques tableaux, j’en ai fait de nouveaux. C’était un vrai événement : que Soulages accepte que ces œuvres soient accrochées dans l’espace permanent. Je suis le premier artiste vivant à avoir cet honneur !
Le Chat a toujours été attiré par l’art. D’où vous vient cette fascination ?
Mon père m’a ouvert les yeux sur les merveilles de l’art en général : de Rembrandt à Goya, en passant par Picasso et bien sûr, Soulages.
Qu’appréciez-vous dans ce travail du noir ?
J’aime la liberté du geste, la recherche perpétuelle de quelqu’un qui creuse son sillon, qui crée des images totalement abstraites. Soulages dit lui-même que ses tableaux ne veulent rien dire. Alors que moi, ils veulent tous dire quelque chose. On est aux antipodes l’un de l’autre. Cela devient complémentaire !
Ce qui rend cette exposition passionnante, c’est donc de faire dialoguer des œuvres antinomiques ?
Oui. Pierre Soulages aime rire, c’est quelqu’un de joyeux et de bavard, très communicant. Il n’est pas du tout austère. Mes pitreries le font rire, il est très sensible à cet humour. Ce qui importe, c’est de faire jaillir des émotions. Devant une œuvre rare, l’émotion ressentie est ce qui m’importe le plus. Quand j’ai vu des Pollock au musée MOMA à New- York, j’en ai eu les larmes aux yeux. Devant un Soulages, c’est pareil. Devant mes tableaux, les gens rient : le rire, c’est aussi une émotion.
Cette expérience enthousiasmante vous apporte-t-elle d’autres demandes de collaborations artistiques ?
Oui, des discussions sont en cours pour exposer avec d’autres artistes. J’avais déjà quelques toiles accrochées au musée Picasso dans le cadre de l’exposition « Picasso et la bande-dessinée ». Et j’ai lancé ma grande exposition de sculptures sur les Champs-Elysées, du 26 mars au 9 juin : 20 sculptures du Chat de 2 mètres de haut, en bronze, que j’ai préalablement sculptées en terre glaise et qui ont été agrandies. Ce sont des gags muets mis en volume. La sculpture, cela fait un moment que je la pratique mais jamais dans ces dimensions-là.
Comment réagit le Chat, après cette expérience artistique aveyronnaise ?
Le Chat est super fier d’être accroché dans ce musée. Pour moi, les deux plus beaux musées du monde sont le MOMA à New-York, et Soulages, pour deux raisons : le bâtiment est éblouissant, et le contenu me fascine. C’est un rêve de môme, et encore : jamais je n’ai imaginé qu’un jour mes toiles y seraient accrochées. Le Chat, lui, se voit bien en maître du monde ; moi je suis plus réservé !
Propos recueillis par Agnès d’Armagnac
L’exposition est prolongée jusqu’au 26 septembre 2021.
Crédit photo : Studio FiftyFifty