Le 1837, une aventure familiale
Si l’aventure est belle, elle n’est pas pour autant aventureuse, pour la famille Viguier où de père en filles, on a des convictions, la tête solidement plantée sur les épaules et les pieds enracinés dans la terre saint-affricaine.
Dans ce pays d’Aveyron, il y a toujours eu des familles d’entrepreneurs, des hommes et des femmes viscéralement attachés à leurs racines, qui ont aussi eu de l’audace et développé des compétences pour créer des pépites de PME. Marc Censi, ancien maire de Rodez soulignait que « pendant longtemps, l’enclavement de l’Aveyron a aussi été sa force, car il a poussé les gens à promouvoir un développement endogène ». De cette volonté et de dynamisme sont nés quelques fleurons de l’économie aveyronnaise, comme la Sefee à Saint-Affrique.
La Sefee ou Société d’Etudes et Fabrications Electroniques et Electriques est née en 1981. Son créateur Christian Viguier était au départ dessinateur industriel, dans de grands groupes sous-traitants de l’aéronautique. Puis en 1981, il décide de prendre son envol et crée son entreprise chez lui à Saint-Affrique. Les débuts sont modestes, travaillant avec trois salariés dans les anciens abattoirs de la ville. Puis petit à petit, il a développé son activité de sous-traitant d’Eurocopter. Mais très vite, il a senti la nécessité de diversifier son activité et crée en parallèle de l’atelier de fabrication un bureau d’études, afin de développer ses propres produits. La Sefee sera le plus petit sous-traitant d’Eurocopter doté de son propre bureau d’études. Et c’est ainsi que l’entreprise désormais installée sur la zone de Bournac, a conçu et fabriqué la totalité des câblages des célèbres hélicoptères Ecureuil.
Petit à petit ses filles ont intégré l’entreprise. Il y a d’abord Karen au service comptabilité, puis l’aînée Marina. Cette dernière après de solides études (MBA) a tout d’abord souhaité voler de ses propres ailes et elle a fait ses premières expériences professionnelles à Montpellier où elle sera directrice à l’exportation. Puis en 2005, elle a finalement rejoint la Sefee pour en prendre la direction industrielle, avec pour objectif de reprendre l’entreprise. Oui mais voilà, la logique des géants de l’aéronautique n’étant pas celle d’une PME de 150 personnes, les pressions se sont faîtes de plus en plus insistantes pour que l’entreprise saint-affricaine intègre un grand groupe. Une perspective qui ne plaisait guère à Christian Viguier, soucieux d’assurer la pérennité de l’entreprise sur ses terres de naissance. Il a alors décidé de mettre l’entreprise en vente pour s’assurer du choix du repreneur. Les propositions ne manqueront pas, dont certaines soutenues par Eurocopter, mais trop souvent il ressent un vent de démantèlement annoncé qui souffle chez les candidats potentiels. Il choisit finalement le groupe Amphénol, un des leaders mondiaux du câblage, côté à la bourse de New-York. Mais un groupe aux implantations multiples et internationales et pour qui l’implantation de la société dans une petite commune aveyronnaise n’est pas un problème. La vente est conclue en février 2008 ; un choix gagnant puisque aujourd’hui, la Sefee existe toujours et continue à se développer à Saint-Affrique.
L’aventure du « 1837 »
Désormais retiré de la Sefee, Christian Viguier aurait pu faire le choix de profiter de la vie. Mais c’est mal connaître un homme aussi discret qu’entreprenant. Et rapidement, en 2009, il a proposé une aventure à sa famille, celle du 1837. Au départ, le premier projet était de créer un centre de rééducation fonctionnelle, car un membre de sa famille a été victime d’un grave accident de moto. Il étudie son projet, trouve le site, l’ancienne école privée Saint-Jean Baptiste de la Salle qui a fermé ses portes en 2010, au cœur de la ville. Oui mais, en étudiant la rentabilité de l’entreprise, il se rend compte que le nombre de lits que pourrait allouer l’Agence Régionale de Santé au futur établissement n’était pas suffisant pour assurer la viabilité financière. Il reprend alors son projet et décide de lancer une résidence hôtelière haut de gamme.
Un projet ambitieux et qui, pour dire les choses gentiment, se heurte à un certain scepticisme. Mais la famille unie autour de Christian Viguier se lance. A la vitesse d’un hélicoptère de combat ! En un an et demi, la vénérable école devient « Le 1837 ». En simplifiant à l’extrême, on garde la carcasse et on refait tout à l’intérieur. Un escalier monumental est créé à partir de rien ; les anciennes salles de classe et les dortoirs deviennent des appartements – 36 au total allant du studio de 30 m² au F3 de 90 m² – et en sous-sol on installe spa, salle de sports et espace massage esthétique. Une piscine couverte chauffée et à débordement est installée, un bâtiment annexe est bâti abritant deux grandes salles de réunion ou de banquet est créée en rez-de-chaussée, alors que l’étage accueille des bureaux. Le parc d’un hectare et demi est retravaillé et les bois qui le dominent sont nettoyés.
L’antique chapelle de la vénérable institution est partiellement conservée. Toujours consacrée, son vieil harmonium n’attendrait presque plus que le prochain couple à marier.
18 mois d’un travail de tous les jours pour réaménager les 4500m² de surface, pendant lequel, en lien avec l’architecte, tous les détails sont pensés, tant en terme de fiabilité que de décoration. La fiabilité est le fruit du passé aéronautique de Christian qui double certains équipements comme les ascenseurs. La décoration, c’est l’affaire de Marina et de sa sœur Karen. Dans chaque appartement, on retrouve un même niveau d’équipement : espace cuisine intégré, douches à l’italienne dans les salles de bains – avec une baignoire en plus pour les plus grands appartements – espace de vie avec canapés design et écrans plats. Ici ou là, on retrouve dans la déco quelques clins d’œil au passé de la bâtisse, au travers de ces anciens bureaux d’écolier dans la salle de billard, ou le buste de Jean-Baptiste Poquelin, alias Molière, en référence aux frères de Saint Jean-Baptiste de la Salle qui ont enseigné à des générations entières de jeunes Saint-Affricains. Avec une fierté pour ses concepteurs : faire travailler un maximum d’artisans et d’entreprises du cru.
L’établissement ouvre ses portes au public en 2012. Les débuts sont prometteurs et conformes au business plan bâti pour monter en charge progressivement. Jusqu’au 28 novembre 2014.
La crue de la Sorgue
Ce jour-là, La Sorgue, la paisible rivière qui coule à quelques pas de là pique une gosse colère et se transforme en torrent furieux. Le sous-sol qui accueille tous les équipements de loisirs et de détente sont inondés et les flots montent et n’arrêtent qu’à une marche du rez-de-chaussée. De cet évènement, la famille Viguier va faire une force. Elle reconstruit, améliore et surtout conçoit des équipements afin d’éviter tout nouveau désagrément en cas de nouvelle crue.
Mais si l’enveloppe est belle et moderne, cela ne suffit pas à assurer le succès de l’entreprise. Et dès le départ, il faut aussi que l’accueil soit à la hauteur. Le choix est fait de privilégier la qualité et les compétences. Personnel trilingue certes, mais aussi issu de la région et qui partage le même enthousiasme, la même envie de faire aimer ce pays de Saint-Affrique pour guider au mieux la clientèle. Une clientèle aujourd’hui pour un quart internationale et dont les deux tiers ne sont jamais venus en Aveyron. Bref, un établissement qui respire l’âme de ses créateurs, l’âme de la famille Viguier.
Aujourd’hui malgré le coup du sort de la Sorgue, le navire est sur les bons rails et quant on pose la question s’il existe un quelconque regret de s’être lancé dans cette aventure la réponse fuse, immédiate et définitive : « aucun ! »
Résidence Le 1837
1, impasse Carnot
12400 Saint-Affrique
05 65 97 63 30
Pourquoi le 1837 ?
Le nom de l’établissement est un peu énigmatique. Pourquoi le choix d’une date pour le baptiser ? Tout simplement, parce que quelque soit la langue, elle est compréhensible pour tout le monde. Quant à 1837, il s’agit tout simplement de l’année où les Frères de Saint-Jean Baptiste de La Salle ont décidé de créer cette école à Saint-Affrique. D’abord, école de garçons, elle est devenue par la suite mixte, pour finalement fermer ses portes en 2010.
Le 1837 – résidence hôtelière haut de gamme à Saint-Affrique
Texte : Laurent Hortes
Photos : Frédéric Garrigues