La Table 42 – Laboratoire locavore
Pour présenter leur « alimentarium », Alix Pons Bellegarde et Antonin Pons Braley ont tenté une liste : « restaurant gourmet, bar à fermentations, micro-boulangerie, épicerie fine, salon de thé, librairie, éditions, galerie ». Mais l’endroit résiste aux définitions : il se vit.
Le chiffre peut définir la localité : au néolithique, 42 km séparaient déjà les campements, permettant commerce et métissage sans dépasser le jour de marche. À Bezonnes, c’est ce même rayon qu’ont choisi Alix et Antonin autour du corps de ferme familial pour une expérience inédite. Mobilier, vaisselle, mets, vins, tissu humain artisan et paysan ; tout provient du périmètre.
La cuisine dépend donc de la saison, de la géologie, des rencontres. Le menu, « présidé par le terroir », est imaginé chaque matin après la cueillette. À la façon d’une île, la délimitation incite à la créativité et à la découverte permanentes. S’il n’y a pas de sel, alors il faut chercher le sodium dans la nature ; idem pour réinventer épices ou café. Les grands-parents d’Antonin « quittaient Bezonnes deux fois par an pour acheter sel et allumettes : ils avaient tout compris ». Les 42 km ne limitent pas, « il diluent plutôt les frontières à l’intérieur du rayon, amenant une exploration à la verticale, révélant des pistes inconnues sinon ». En cuisine ou en webzine, le couple s’invente alors un rôle de « passeur » : il étudie, collecte, raconte, transmet ce territoire.
À la table de huit façonnée dans un tronc trouvé au cœur de la bâtisse se jouent des rencontres improbables et explosives, entre voisins et visiteurs VIP. Le duo a créé un « fabuleux prétexte à vivre » ; à ralentir, imaginer, ressentir. « 42 km où le temps passe un peu moins vite : le vrai luxe. »
Texte : Charlotte Izzo – Photo : Fred Garrigues