Michel Truchon & Jean-Luc Mouysset Le veau d’Aveyron pour sublimer une cuisine d’instinct
ATOUT DOSSIER
CHEFS ÉTOILÉS ET PRODUCTEURS
Les alliances gagnantes de la gastronomie
A 72 ans, le chef du Sénéchal à Sauveterre-de-Rouergue file son étoile depuis plus de trois décennies, sans faire de bruit. « Plus Aveyronnais que les Aveyronnais », Michel Truchon est retourné au pays en 1986 pour reprendre le bistrot de sa mère, et offrir une cuisine d’instinct, sobre, dictée par les saisons. A deux pas de la bastide royale, Jean-Luc Mouysset s’est aussi inscrit dans la tradition familiale : cet éleveur du veau d’Aveyron a repris l’exploitation de ses parents en 1995.
Michel Truchon, comment s’est forgée votre collaboration avec Jean-Luc Mouysset ?
Au Sénéchal, au fil du temps, nous avons tissé des relations avec certains fournisseurs. Nous connaissons la famille Mouysset depuis longtemps. Ce qui me plaît, c’est la proximité et la façon dont les veaux sont élevés, sous la mère, dans la qualité du produit. J’aime tout dans le veau. C’est un produit d’exception et il est vraiment bon. Le veau d’Aveyron est un vrai fleuron de l’agriculture aveyronnaise !
Jean-Luc Mouysset : Tout mon troupeau est inscrit dans le livre généalogique de la race limousine. Le veau d’Aveyron et du Ségala répond à des critères : il tète matin et soir et reçoit des compléments de céréales et du fourrage – ce qui lui donne cette couleur rosé qui surprend parfois les gens. Notre veau est servi au Sénéchal depuis des années : pour nous c’est exceptionnel que des chefs comme Michel Truchon en fasse la promotion.
Votre lien avec le terroir est-il une brique essentielle à votre travail ?
JLM : C’est dans mes gènes : faire attention aux autres, respecter les animaux et les humains. Mon père déjà en 1974 pratiquait la sélection des vaches limousines, mes parents étaient axés sur la qualité.
MT : Je ne me suis jamais lassé du terroir. Notre région est tellement vaste, c’est un terrain de chasse privilégié avec une diversité dans les produits, dans les quatre coins de l’Aveyron : l’Aubrac, c’est l’Auvergne, Villefranche, le Quercy, Millau, c’est le sud et ici, c’est l’Albigeois.
Quel avenir pour la gastronomie, et pour l’élevage ?
MT : Elle va continuer à bien se porter mais différemment. Il faut rester vigilant sur la qualité : les gens veulent tellement être surpris ! Il faudrait qu’ils reviennent à l’essentiel. Côté restaurateurs, ça va être difficile de continuer à mener des services, entre les réglementations excessives et la gestion des salariés dont les exigences augmentent.
JLM. L’avenir va être compliqué pour les éleveurs, car les jeunes ne veulent pas avoir autant d’astreintes, comme celle de faire téter les veaux matin et soir, 365 jours par an, avec un salaire pas mirobolant. On va être obligés de se remettre en cause en matière d’environnement aussi, car la sécheresse nous impacte. Les vaches n’ont plus d’herbe à brouter : je dois diminuer mon troupeau de 60 à 50 mères cette année… En agriculture aujourd’hui, il faut qu’on soit au maximum autonome.
Propos recueillis par Agnès d’Armagnac Photo : Franck Tourneret